Abrogation de l'anglais obligatoire pour les projets de recherche FNS

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Pétition adressée au Fonds National Suisse de la recherche scientifique

Annoncée le 10 décembre 2014, la décision prise par le FNS obligeant les  chercheuses et chercheurs en science politique à rédiger et remettre leurs requêtes en anglais dès le 1er avril 2015 est lourde de conséquence pour l’avenir de la recherche dans notre discipline. Prise semble-t-il sur préavis favorable du Comité de l’ASSP1, cette décision ne repose sur aucun argument vraiment sérieux, hors celui d’élargir le cercle des experts chargés d’évaluer les projets, alors même que le FNS indique que 80% des requêtes sont d’ores et déjà rédigées en anglais.

Si cette mesure contraignante pour l’élaboration des projets de recherche s’inscrit dans une tendance plus générale de standardisation des critères de scientificité, certes discutable, mais non dépourvue de légitimité, il n’en reste pas moins qu’elle procède d’une décision privée de toute réflexion sérieuse à propos de la communication entre les univers scientifiques nationaux et des modalités de circulation et de transfert, et donc de traduction dans le sens le plus large, des théories, concepts, idées, problématiques et résultats de recherche entre ces univers. Et ce n’est sans doute pas remettre en cause l’idéal d’universalité de la science que de déplorer l’atteinte grave à la liberté de la recherche et à notre identité de chercheur que représente la décision du FNS.

Cette décision pose problème pour plusieurs raisons :

1. Il s’agit d’une décision bureaucratique, car les univers scientifiques germanophones, italophones ou francophones, et pourquoi pas anglo-saxons, en Suisse ou à l’étranger, comptent suffisamment de spécialistes pour expertiser le petit nombre de requêtes déposées dans l’une des trois langues nationales.

2. Cette décision manifeste un manque de respect à l’égard du travail des chercheurs. Rendue sans autre communication préalable au milieu du mois de décembre, elle est entrée en vigueur immédiatement et s’applique donc aux requêtes en cours d’élaboration soumises à l’échéance du 1er avril prochain, soit trois mois plus tard ( !).

3. Prise par commodité, cette décision impose une langue au stade confidentiel de l’élaboration d’un projet de recherche, alors que la communication scientifique doit plutôt porter sur la valorisation des résultats de la recherche, notamment par la publication de travaux (livres, articles) en anglais. Ce faisant, cette décision confond langue de raisonnement et langue de communication.

4. La Revue suisse de science politique publie des travaux dans les trois langues nationales, ainsi qu’en anglais. La décision du FNS apparaît ainsi contradictoire avec la politique des langues menée par notre association, une politique ouverte assurant la liberté de la recherche du point de vue de la communication de ses résultats via des articles de qualité soumis au principe de la double expertise externe.

5. Enfin, cette décision ignore les questions complexes liées à l’usage des langues dans les sciences humaines et sociales. Sciences de la culture ayant pour objet l’homme et/dans la société, leur visée universaliste ne saurait se réduire à l’imposition de l’anglais comme langue universelle, au risque d’appauvrir notre discipline en portant atteinte à la diversité des paradigmes, concepts, théories et méthodes.

6. Il n’est pas question ici de se revendiquer d’une quelconque exceptionnalité, française ou allemande, mais de tenir compte des spécificités des univers scientifiques nationaux, y compris anglo-saxons, mais sans pour autant les réifier, et cela pour imaginer des dispositifs favorisant le dialogue entre les chercheurs.

Nous, enseignant-e-s/chercheurs-euses/doctorant-e-s concerné-e-s par l’avenir de la science politique suisse, demandons au FNS d’abroger sa décision et de mandater une expertise chargée de documenter sérieusement, à partir d’une très abondante littérature dans ce domaine, la question de l’usage des langues dans la recherche et les publications scientifiques relevant des sciences humaines et sociales.

1 Nous avons appris entretemps par la voix la Présidente de l’ASSP que le Comité de l’ASSP ne s’était pas formellement prononcé sur la question, même s’il en avait débattu

Pour signer la pétition : http://languefns.wesign.it/fr

Merci d’indiquer votre rattachement universitaire dans l’espace « Message de soutien »

Liste des premiers-ères signataires

Philip Balsiger, post-doctorant FNS, City University of New York, Etats-Unis ; Mounia Bennani-Chraïbi, IEPHI/Université de Lausanne, Suisse ; Dietmar Braun, IEPHI/Université de Lausanne, Suisse ; Antoine Cholet, IEPHI/Université de Lausanne, Suisse ; Olivier Fillieule, IEPHI/Université de Lausanne, Suisse ; David Giauque, IDHEAP et IEPHI/Université de Lausanne, Suisse ; Philippe Gottraux, IEPHI/Université de Lausanne, Suisse ; Alexandre Lambelet, HES-SO | EESP, Lausanne, Suisse ; Lorena Parini, Institut des Etudes genre /Université de Genève, Suisse ; Cécile Péchu, IEPHI/Université de Lausanne, Suisse ; Muriel Surdez, Département des sciences sociales/Université de Fribourg, Suisse ; Bernard Voutat, IEPHI/Université de Lausanne, Suisse

Mobilisation créée par Enseignant-e-s/chercheurs-euses/doctorant-e-s concerné-e-s par l’avenir de la science politique suisse
29/1/2015

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